Anne Campagna : äðóãèå ïðîèçâåäåíèÿ.

L'histoire de Rachel Corrie

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DE JOURNAL "VOIR"
l'extract
27 mars 2003
L'histoire de Rachel Corrie
Mourir pour des idées

Anne Campagna

Mars 2003, militante au sein de l'IMS
(International Solidarity Movement),
mouvement pro-palestinien qui invite des
jeunes de partout à travers le monde à
militer en Palestine, Rachel Corrie vit depuis
deux mois à Rafah.

Témoin quotidiennement des opérations de démolition des maisons,
des réservoirs d'eau et de multiples actes de répression commis par
l'armée israélienne envers la population palestinienne dans
les territoires occupés, elle joue le tout pour le tout: elle se place
devant un bulldozer israélien qui s'apprêteà démolir la maison
d'un médecin palestinien.

Armée d'un porte-voix, Rachel crie. Regardant le conducteur dans les
yeux, elle croit qu'elle pourra faire stopper le mastodonte.
Les événements s'enchaînent rapidement: lésions cérébrales, multiples
fractures, ambulance, hôpital. La suite fera le tour des fils de presse
des agences internationales.

D'où vient Rachel Corrie?


"Rachel était une étudiante dans mon cours, qui porte sur les
dynamiques environnementales, sociales, communautaires et
médiatiques. Je l'ai très bien connue. C'était une étudiante studieuse,
qui réussissait bien. Nous étions proches l'une de l'autre: entre les
cours, elle venait souvent discuter avec moi. C'était une fille
extrêmement douée, très idéaliste. Elle se sentait concernée par la
situation mondiale, elle était très impliquée dans les mouvements
pour la paix dans le monde", dit Lyn Nelson, qui a été son professeur
au Evergreen College.

Une fois le cours terminé, Rachel est restée en contact de façon
sporadique avec son professeur. "Elle est venue me voir cette année,
en septembre et en octobre. J'ai su à ce moment-là qu'elle apprenait
l'arabe. Elle m'a expliqué qu'elle était de plus en plus en contact avec
les mouvements pour la paix et des gens issus du Moyen-Orient. Puis
je l'ai revue en janvier, avant qu'elle ne parte pour les territoires
occupés. J'ai remarqué qu'elle était nerveuse, inquiète, mais aussi très
décidée d'aller agir dans les territoires occupés."

"Elle était très déterminée. Elle m'a quittée en me disant: "Je vais rester
en contact
avec vous. Je me sens à l'aise avec la décision que j'ai prise." Là-bas,
je sais qu'elle travaillait beaucoup à offrir de l'aide aux enfants."

L'IMS?
L'IMS est une organisation qui existe depuis seulement deux ans. Se
présentant comme une organisation de soutien à la Palestine, elle a
des bureaux un peu partout dans le monde et ne démontre aucune
affiliation politique ou religieuse. Les fonds de l'association, selon la
cofondatrice, proviennent de "généreux donateurs" de partout.

Le but de l'organisation? Recruter des "internationals", soit des gens à
l'étranger, pour venir aider la population locale et témoigner dans les
médias du vécu des Palestiniens vivant dans les territoires occupés au
quotidien. Ils viennent en Palestine à leurs frais.

Huwaida Arraf, âgée de 27 ans et dont la mère est d'origine
palestinienne, est l'une des cofondatrices de l'organisation. Elle a
fréquenté une université américaine en sciences politiques et a décidé
de fonder l'IMS à la fin de ses études universitaires. "Je suis allée en
Palestine en avril 2000 et j'ai décidé de fonder un mouvement pour
aller chercher du support international à la cause palestinienne,
explique-t-elle. L'idée qui sous-tend nos actions? Mobiliser des gens,
de quelque nationalité qu'ils soient, pour qu'ils dénoncent l'injustice
de l'occupation des territoires occupés, en concordance avec les
résolutions 242 et 338 votées par les Nations unies."

La cofondatrice est une femme très déterminée. "Nous avons décidé
de tenter de mobiliser des gens pour qu'ils entreprennent des actions
directes contre l'occupation des territoires occupés, qu'ils combattent
l'occupation." Parmi les actions directes préconisées par l'IMS, les
militants tentent de démonter les obstacles de béton que l'armée
israélienne place devant certains villages palestiniens, etc. Selon elle,
lorsque des "internationals" font de telles actions, l'armée israélienne
n'ose pas les tuer comme elle le ferait pour des Palestiniens, histoire,
dit-elle, de ne pas ternir l'image d'Israël sur la scène internationale.
Surtout, ajoute-t-elle, que les membres de son association
s'identifient clairement par des pancartes disant: "Français ou Anglais
civils luttant contre l'occupation." "Nous essayons aussi d'attirer les
médias internationaux ici."

La naissance de l'association coïncide à peu près avec le début de la
deuxième Intifada. "La communauté internationale ne semblait plus
tellement concernée par le vécu des Palestiniens dans les territoires
occupés, alors ils ont commencé à perdre espoir, explique la
cofondatrice. C'est à ce moment que certains d'entre nous avons eu
l'idée de mobiliser des civils à l'échelle internationale." Elle poursuit
sur sa lancée: "Nous avons réussi à aller chercher une certaine
attention de quelques médias internationaux. Notre première
campagne s'est déroulée en 2001, et jusqu'à présent, personne
n'avait été tué ou blessé lors de nos actions."

Rachel, elle, s'est fait tuer.

Huwaida Arraf garde un souvenir ému de Rachel. Elle se souvient du

talent d'écriture dont cette dernière faisait preuve, écrivant des
articles très émouvants sur le vécu des Palestiniens dans les
territoires occupés sur le site Internet de l'IMS. Elle donnait aussi des
entrevues aux médias.

"La semaine avant qu'elle se fasse tuer, elle avait donné une
entrevue à ABC News, la télévision américaine", se rappelle madame
Arraf. Elle se souvient d'avoir donné à Rachel un entraînement pour la
préparer à militer dans les territoires occupés, mais sans plus. "Je
rencontre beaucoup d'activistes", dit-elle.

La lutte continue
L'annonce de cette nouvelle ne risque pas d'arrêter la cofondatrice, ni
son organisation de recrutement d'"internationals". "Nous sommes
déterminés à continuer notre travail, affirme-t-elle. Ce genre de tuerie
arrive tous les jours dans les territoires occupés. Si nous arrêtons,
nous abandonnons beaucoup de monde.

"Rachel a donné sa vie dans le but de défendre la vie de la
communauté palestinienne. Ce serait déshonorer sa mémoire que
d'arrêter. La cause pour laquelle nous nous battons mérite cela",
conclut-elle.

Manipulation?
"Que ce soit un Palestinien qui se fasse exploser dans des lieux
publics comme un restaurant ou un autobus, ou une jeune Américaine
qui se fasse tuer, il s'agit de gens qui pensaient sûrement bien faire
et aider la cause palestinienne", dit Simon Bensimon, directeur du
centre étudiant Hillel, de la communauté juive de l'Université McGill.
Selon lui, les "internationals" qui s'insèrent dans ce genre de conflit se
font manipuler.

"Je crois qu'on peut faire un parallèle avec les activistes en Irak, ceux
qui restent pour servir de boucliers humains. Ils ne sont pas pour la
dictature mais, d'un autre côté, ils se font manipuler par le régime de
Saddam Hussein: ils sont mis en danger pour les intérêts du régime,
tout en pensant servir la cause de la paix."

Monsieur Bensimon croit par ailleurs que la mort de Rachel ne peut
qu'être accidentelle:

"Ça n'a pas de sens qu'il l'ait fait exprès! Surtout pas tuer une
Américaine, alors que les États-Unis sont les alliés numéro un d'Israël.
Mais s'il l'a fait exprès, alors c'est dramatique et c'est terrible. Par
contre, mettre une jeune étrangère dans une situation de guerre
entre les Palestiniens et les Israéliens, ça, c'est inacceptable. Surtout
que ces étrangers ne font pas partie du problème. C'est de la
manipulation de l'opinion publique! Je ne sais pas si c'est calculé... ou
non", ajoute-t-il.

Militants et politisés eux-mêmes, les parents de Rachel Corrie
réclament une enquête du FBI ou du Département d'État américain
sur ce que les Israéliens ont qualifié d'erreur regrettable par le biais
de leurs porte-parole officiels. Ce qui ne les empêche pas pour le
moment d'embrasser les idéaux qui ont mené leur fille à la mort.
Récemment, par voie de communiqué, ils ont déclaré:

"Nous avons essayé d'élever nos enfants pour qu'ils apprécient la
beauté de la communauté mondiale et nous sommes fiers du fait que
Rachel fut capable de vivre selon ses convictions. Rachel était un être
humain plein d'amour, et habitée par le sens du devoir envers ses
frères les êtres humains, où qu'ils vivent.

"Elle a donné sa vie pour protéger ceux qui ne peuvent pas se
protéger eux-mêmes."

Depuis le 18 mars, les murs de Gaza sont couverts d'affiches
"célébrant" le martyre de Rachel Corrie.

Le 17 mars, une vigile a été tenue en son honneur dans sa ville
natale. De nombreux participants arboraient des pancartes où était
inscrit: "No to war in Irak".

Le 21 mars, un service commémoratif tenu sur les lieux de sa mort a
provoqué un affrontement avec l'armée israélienne.

Les photos des circonstance entourant la mort de Rachel Corrie ont
été prises sur le vif par l'IMS.

"Notre peuple poursuivra l'Intifada al-Aqsa jusqu'à ce que nous hissions
le drapeau palestinien sur chaque mosquée, sur chaque église et sur les
murs de Jérusalem."
- Yasser Arafat, le 29 mars 2001



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